(Voir aussi la page Publications)
Le Levant de Mons une cité-jardin au nom poétique, le long de la nationale N90, entre les villes de Mons et Binche (Belgique); construite presque au milieu de nulle part, il y a cent ans, pour loger le personnel du charbonnage du même nom. Les scènes du film documentaire Borinage que Joris Ivens et Henri Storck y ont tournées en 1933 en témoignent: le village du Levant de Mons est assurément un des lieux symboliques de l'histoire industrielle et sociale mouvementée de la région.
"Cela a quelque chose de terrifiant de descendre dans une mine, dans cette sorte de panier ou de cage, tel un seau qui descend dans un puits, si ce n'est que ce puits est profond de 500 à 700 mètres. Et donc, quand on regarde du fond vers le haut, on devine à peine la lumière du jour, comme si elle n'était qu'une étoile au firmament."
Vincent van Gogh, lettre à son frère Theo, 1879
"Si les villages, par ici, sont comme à l'abandon, silencieux et déserts, c'est que la vie se déroule sous terre et non en surface. On peut passer des années ici, mais si on n'est jamais descendu dans la mine, on ne peut pas se faire une idée précise de ce qui se passe."
(ibidem)
Du sommet d'une colline, sur la petite route qui mène à Vellereille-le-Sec, j'aperçois, au loin des terrils de taille plutôt modeste qui éveillent ma curiosité. Les sites industriels abandonnés, quand ils sont recouverts d'une broussaille abondante, forment des terrains qui peuvent réserver des surprises à qui n'est pas familier de ce type de paysage. Entre les deux premiers terrils, je gravis une pente douce. Le sol est raviné, humide et mou, parsemé de bouleaux et de fourrés. Je prends quelques photos sans m'aventurer pas haut – je n'ai pas les chaussures qu'il faut.
La cité du Levant est construite en plusieurs phases entre 1923 et 1931. Les maisons d'employés, situées le long de la route de Mons, côtoient celles des ouvriers, qui sont situées davantage à l'intérieur de la cité. Les premières habitations sont érigées en blocs de béton (d'où le nom de Monobloc, que la cité du Levant conservera dans la mémoire collective).
L’église est entièrement construite en béton. Une architecture, des décors et un mobilier dans la mouvance art déco. Le sculpteur Carlo Sarrabezolles avait été pressenti pour réaliser des hauts-reliefs coulés dans le béton et s’inspirant des mineurs et de leurs familles. Ils seront finalement l’œuvre de Joseph Gillain, connu plus tard sous le pseudonyme de Jijé pour son talent d’auteur de bandes dessinées.
Les noms de famille évoquent les quatre coins de l’Europe et même au-delà : les habitants actuels du Levant sont, pour beaucoup, issus de familles qui, à différentes époques depuis les années 1920, sont venues travailler et vivre dans la région. Beaucoup de ceux qui ont des noms d’ailleurs les prononcent aujourd’hui avec l’accent hainuyer, et les origines des uns et des autres ne font plus la différence.
Les habitants se retrouvent régulièrement sur la place du Levant. Comme le voulaient les urbanistes qui l’ont dessinée, cette gigantesque place a pour seule vocation d’être à tout le monde. On y vient pour bavarder ou simplement se promener, faire du vélo, jouer au football ou à la pétanque.
À la belle saison, autour de l'église et du côté de la rue Léon Blum, on cultive les jardins communaux. Le paysage post-industriel respire et permet de respirer...
Haut de la page