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Une grande valise, une mallette de cuir et plusieurs cartons quelques trois cents photographies personnelles; des documents privés, professionnels et officiels; une foule d'objets les plus divers; des bribes de conversations, de regards échangés... Cet héritage précieux et pourtant précaire est le reliquat de la vie de Monsieur W. (Nivelles, 1914 - Braine-l'Alleud, 2009).
Nos chemins se sont croisés à de nombreuses reprises. Lorsque je l'ai accompagné au cours des deux, trois dernières années de sa vie, il m'a laissé entrer dans son intimité, mais je ne l'ai jamais photographié – il fallait souvent parer à plus pressé.
Parfois, il me parlait dans son sommeil. Parfois, aujourd'hui encore, je l'entends et lui réponds dans le mien.
À douze ans, Maurice W. découvre Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, de Jacques-Louis David. Il se prend de passion pour le dessin. Plus tard, ce seront le théâtre et la musique, auxquels il consacre des heures, voire des jours entiers. Mais de cela il n'est pas question qu'il fasse son métier.
Ses mains délicates ne sont pas faites pour l'usine, du moins pas du côté des tâches lourdes et des machines. Il aime écrire, analyser, discuter; il s'intéresse aux chiffres, à l'économie au progrès – au progrès de l'homme aussi. Il fera l'école industrielle.
En 1935, Maurice W. est engagé par la Société Anonyme des Ateliers Métallurgiques. Un peu partout dans le monde, d'Acajutla à Tchalouss, du Caire à Daugavpils, les locomotives, voitures et wagons de fabrication belge transportent voyageurs et marchandises.
1942. Malgré la guerre, la vie a repris quelques droits. Placé en congé militaire en octobre 1938, Maurice W. n'a pas été rappelé sous les armes. La quasi-certitude de la survie physique et matérielle est argument suffisant pour faire des projets sans attendre des jours meilleurs.
Le mariage a lieu en novembre. Par un temps froid, sous un ciel bas qui efface les ombres. À leur regret, Maurice et Marie-Louise n'auront pas d'enfants.
Les premiers voyages. Dix ans après la guerre, Maurice W. et Marie-Louise feront plusieurs séjours en Allemagne. Cette guerre aura été la dernière se disent-ils; une autre Europe se construit et il faut célébrer les amitiés nouvelles. Voyageur-découvreur, Maurice W. aime se perdre dans les villes et les villages, parcourir les chemins forestiers et remonter les cours des rivières, pour voir où commence la vie, où jaillissent les rêves.
Que ce soit à Braine-l'Alleud, Assebroek ou Enghien, leur habitation n'attire pas le regard, encore moins la convoitise - la maison de brique est mitoyenne, carrée, au plan sans surprise. Le bureau de Maurice W. est invariablement côté rue, tandis que la pièce de couture de Marie-Louise donne sur le jardin – une petite pelouse ponctuée d'un ou deux parterres de fleurs et bordée de conifères qui cherchent à s'appuyer sur la clôture. Derrière la façade sobre, l'intérieur est chaud, abondamment décoré.
Maurice W. affectionne le football, un sport populaire où l'engagement est généreux, où se mêlent la boue, la sueur et parfois le sang. Il sera trésorier du CS Brainois, un club de 3ème division.
16 avril 2009. Le réveil de Maurice W. est arrêté, le cadran tourné vers le mur, comme dans un geste délibéré. Dans la chambre, tout est bien rangé – Maurice W. n'aimait pas le désordre.
Dans son testament, Maurice W. écrira:
"Je désire qu'aucun objet faisant partie de ma succession ne soit vendu sur la voir publique."
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