(Voir aussi la page Publications)
"Le roi ne pouvait se satisfaire du pouvoir qu'il possédait déjà; il espérait asservir l'Europe entière et leva à cet effet une armée de cinquante myriades."
Lysias
Un texte de l'Antiquité grecque. D'autres textes, plus récents. Et puis ces photographies trouvées dans les albums d'une famille de l'Eifel – prises entre 1935 et 1950. Tel a été le point de départ d'un regard porté sur l'expérience de la deuxième guerre mondiale pour des soldats allemands et leurs familles. Une expérience universelle et intemporelle, cependant – angoisse, détresse, désespoir et incertitude quant à l'avenir. Même si plus grand-chose ne rappelle, aujourd'hui, les destructions causées dans cette région frontalière, il y a comme une ombre qui plane encore sur ses paysages.
"Pendant la guerre tu m’as dit un jour que tu préférerais habiter avec moi une cave insalubre plutôt que d’être soldat. Tu n’étais plus tout jeune quand tu m’as écrit ces mots, tu avais trente-six ans. Parfois, j’ai tout de même le sentiment que la guerre t’a mis un coup. Tu n’étais pas comme ça auparavant."
Heinrich Böll
"Il y avait tant de morts que je ne voyais pas, dont j’entendais seulement parler. Des voix indifférentes communiquaient des chiffres au téléphone – c’était le nombre des morts. J’essayais de me les représenter et j’y parvenais: trois cents morts, c’était toute une montagne."
Heinrich Böll
"Bienheureux les animaux qui, en cette saison froide, peuvent se cacher au fond d’un trou, s’y rouler en boule et dormir jusqu’à ce qu’au dehors le monde revête une robe neuve et gaie!"
Hermann Michels
"Tu te souviens de Paul, certainement. Il n’est pas parti à la guerre; il s’est caché dans les forêts, dans les sous-bois; il a vécu dans des trous creusés sous les feuilles mortes, il a bu à même les flaques et s’est nourri de faînes. Jusqu’au jour où les Américains l’ont trouvé. À présent qu’il pourrait se réjouir que tout cela est bien fini, il ne sort plus de sa tanière et porte la honte d’être encore en vie. J’ai peur qu’un jour il ne fasse une bêtise."
"Est-ce un cadeau du ciel, ce moment qui m’est donné, cet instant lyrique à l’écart du tumulte de la guerre ? Je me verrais bien, si l’occasion m’en était donnée, partir vers l’Ouest, marcher jour et nuit, semaine après semaine... et quand mes bottes seraient usées, je continuerais pieds nus, jusqu’à traverser le Rhin."
Hermann Michels
"Les enfants, assis à ses pieds, écouteraient bouche bée ses récits de guerre pour ensuite, une fois au lit, les rejouer, déchirer l’un ou l’autre oreiller, et finalement s’endormir exténués. Les anciens, qui avaient connu d’autres guerres, lui poseraient des questions réfléchies: comment était-ce dans les tranchées, avec toute cette nouvelle artillerie lourde? Était-il à l’abri des tireurs embusqués? Avait-il tué quelqu’un?"
"On juge ma déchéance morale avec une certaine indulgence, en disant de moi: il a fait la guerre."
Heinrich Böll